Une étude coordonnée par le Pr Didier Dreyfuss et le Dr Stéphane Gaudry du service de réanimation médicale et chirurgicale de l’hôpital Louis-Mourier, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, montre que le traitement de référence qui consiste à effectuer une dialyse de façon précoce en cas d’insuffisance rénale aiguë n’apporte finalement pas de bénéfice dans l’évolution de l’état de santé des patients hospitalisés en réanimation.
Cette étude promue par l’AP-HP a été conduite entre 2013 et janvier 2016, en collaboration avec l’Université Paris Diderot, l’Inserm – ECEVE et IAME et a fédéré de nombreuses équipes de l’AP-HP et d’autres hôpitaux.
Ces résultats ont été publiés dans The New England of Medicine le 15 mai 2016.
L’étude randomisée s’adressait à des patients gravement malades hospitalisés en réanimation présentant une insuffisance rénale aiguë ne comportant aucune complication potentiellement rapidement mortelle (hyperkaliémie sévère par exemple) directement liée à cette pathologie. L’insuffisance rénale aiguë est une pathologie fréquente en réanimation, la 1ère cause étant le choc septique (dysfonction de multiples organes due à des infections).
La pratique aujourd’hui communément admise est de procéder de façon systématique à une dialyse dès lors qu’un patient en réanimation souffre d’une insuffisance rénale aiguë. Une initiation précoce permettrait d’éliminer des toxines et de prévenir des complications. Mais la dialyse n’est pas sans effet pour le patient, elle est même dans un certain nombre de cas responsable de complications.
Cette étude multicentrique, financée par un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) de l’AP-HP, a inclus 620 patients avec une insuffisance rénale aiguë de stade 3 selon la classification KDIGO (stade le plus sévère), nécessitant une ventilation mécanique et /ou une perfusion de catécholamines, mais ne présentant pas de complications potentiellement rapidement mortelles en lien direct avec l’insuffisance rénale.
Les patients ont été randomisés selon 2 stratégies: ceux qui ont eu une dialyse immédiatement (stratégie précoce) et ceux chez qui une stratégie d’attente avec surveillance rapprochée était instituée. Dans ce groupe, les patients pouvaient ne pas recevoir de dialyse si leur fonction rénale s’améliorait ou la recevoir, mais plus tardivement, si leur fonction rénale continuait de se dégrader. Pour ce dernier groupe, la dialyse était mise en route en cas d’hyperkaliémie, d’acidose métabolique, d’œdème pulmonaire sévères ou en cas de taux sanguin d’urée supérieur à 40 mmol/L ou d’oligurie de plus de 72 heures.
Que démontre cette étude ?
Cette étude a démontré que la mortalité globale à 60 jours de suivi était sensiblement la même avec une stratégie où tous les patients étaient dialysés précocement (48, 5%) qu’avec une stratégie d’attente (49,7%). Par contre, Parmi les 308 patients assignés à cette stratégie, 49% n’ont finalement pas été dialysés. Ce chiffre atteignait même 61% chez les survivants.
Ces résultats mettent en évidence qu’une stratégie d’attente avant d’initier une dialyse n’augmente pas la mortalité chez ces patients par rapport à une stratégie précoce. Ils permettent également de démontrer les bénéfices de l’attente dans la récupération naturelle de la fonction rénale du patient.
« Le traitement de l’insuffisance rénale aiguë est complexe » explique le Dr Gaudry. « Cette étude est donc importante car elle constitue le premier essai clinique démontrant l’intérêt d’approfondir la classification des patients souffrant d’une insuffisance rénale aiguë nécessitant une dialyse et le moment optimal pour l’initier ».